mercredi 17 décembre 2008

BELLES ENVELOPPES PEU COURANTES DES POSTES LOCALES DE CHINE

La Chine n'a adhéré à l'UPU que le 1er septembre 1914, mais, comme l'écriture, le courrier et son transport sont trés anciens dans l'Empire du Milieu. Au XIXème siècle il existait deux systèmes de services postaux:
* le premier réservé aux correspondances officielles, notamment entre le gouvernement impérial et les gouverneurs des provinces, doté de nombreux relais dans tous le pays et trés efficace (la poste par estafettes YI Zhan ou Yi Tchan).
* le deuxième aux mains des puissantes guildes ("Hongs") de marchands chinois (la poste Min Xin Ju ou Min Chü) qui fonctionnait déjà au XVème siècle. Cette poste était une poste privée peu couteuse mais tarifée à la distance.
Au début du XIXème siècle la Chine s'est refermée sur elle même et les échanges commerciaux avec l'étranger pratiquement inexistants. Aprés la première Guerre de l'Opium, les anglais s'installent à Hong Kong en 1841 et y installent un premier bureau de poste de la couronne. Suite aux différents traités qui ouvrirent un certain nombre de ports au commerce extèrieur et à l'implantation des occidentaux (Treaty ports): traité de Nankin en 1842, Traité de Tien Tsin en 1858 pour les plus importants, la poste de Hong Kong essème dans les ports ouverts (agences de la poste de Hong Kong - Hong Kong Treaty port ou Treaty Port local post) où les timbres de Hong Kong seront utilisés à partir de leur parution en 1862. La faiblesse de l'Empire de Chine à ce moment là permet rapidement aux autres puissances étrangères d'obtenir les mêmes avantages que les anglais (France, Russie, Allemagne, Etats Unis, Japon, Belgique, Italie) et rapidement les "Ports Ouverts" se multiplient et la plupart des puissance étrangères ouvrent des bureaux de poste dépendant de leur poste nationale. Shang Haï sera une des bases les plus importantes avec des concessions cédées aux étrangers ( véritables territoires extraterritoriaux entièrement sous l'administration des puissances étrangères).
La Chine ne faisant pas partie de l'Union Postale Générale (crée en 1874 devenu ensuite UPU) les courriers de la Chine pour l'étranger devaient obligatoirement transiter par les bureaux de postes étrangères installés dans les Ports Ouverts et ce jusqu'en 1914. A contrario, les postes étrangères ne pouvaient pas transporter du courrier en régime intèrieur en Chine.
Cette situation a amené en 1863 le Conseil Municipal de Shang Haï (sous contrôle des autorités étrangères) à installer une Poste Locale pour le régime intérieur au service des résidents étrangers. Le mot "locale" signifie seulement que ce service est sous le contrôle des autorités locales. La poste de Shang Haï, comme l'avait fait celle de Hong Kong, ouvre rapidement des agences et succursales dans d'autres localités et concurrence ainsi la poste de Hong Kong qui déservait les ports. La poste de Shang Haï à son apogée était implantée dans 17 Ports Ouverts et assurait les liaisons avec les bureaux étrangers et la Poste des Douanes Maritimes (crée en 1863 pour le courrier des personnels diplomatiques, consulaires et douanes des légations étrangères et ouverte au public en 1878).
Bien que la poste de Shang Hai ait émis des timbres à partir de 1865, ceux ci se sont rarement trouvés sur du courrier car l'organisation du service était basée sur un système de souscription annuelle par les utilisateurs (en général des maisons de commerce) qui étaient ainsi dispensés de timbrage. Il sera ensuite remplacé par un système de provision renouvelable sur avis de la poste quand celle ci était épuisée. Les timbres émis à cette période ont donc surtout servi à remplir les albums des collectionneurs et à rapporter des moyens financier à la poste (ceci explique leur absence dans de nombreux catalogues). Mais le succés de ce service et donc l'augmentation trop importante du volume du courrier a rendu ce système trés lourd à gérer et le 1er janvier 1893 la poste de Shang Haï rend obligatoire l'affranchissement par des timbres de tout objet confié à ses soins. Cependant la demande fut trés importante et le manque de timbre s'est rapidement fait sentir. A partir de mars 1893 la poste de Shang Hai se trouve dans l'impossibilité d'approvisionner ses agences dans les autres Ports Ouverts.
Cette situation (mais aussi le désir de réaliser des bénéfices par la vente aux collectionneurs) a alors poussé les Municipalités étrangères (Amoy, Hankeou, Kioukiang, Tchenkiang) ou les Comités locaux de résidents (Foutcheou, Itchang, Nankin, Tchefou ou Chefoo) de plusieurs des Ports Ouverts a créer leur propres bureaux de postes et a faire imprimer des timbres au plus vite. Bien que n'étant plus des agences de la poste de Shang Haï, des conventions de réciprocités les liaient. Cette nouvelle organisation n'eut pas d'incidence sur le traitement du courrier.
Ainsi apparaissent les timbres des "postes locales de Chine" (hormis Shang Haï ) qui ont fait couler beaucoup d'encre et disparurent des catalogues en 1899 pour ne réapparaître qu'en 1986.
La durée des postes locales fut brève puisque la création de la Poste Impériale (sur la base de l'organisation de la Poste des Douanes Maritimes) le 2 février 1897 suprimait de facto les postes locales puisque interdiction était faite de transporter du courrier non remis sous contrat de la poste officielle. Cette interdiction ne s'appliquait pas aux bureaux des puissances étrangères puisque ceux ci étaient les seuls à pouvoir assurer les correspondances internationales.
Deux trés belles lettres des postes locales figurent dans ma collection. Probablement oeuvre d'un philatiste (il ne semble pas s'agir de correspondance commerciale bien que les contenus ne nous soient pas parvenus) il n'en demeure pas moins qu'elles ont effectivement circulé (dans la période de fonctionnement normal du service) et comportent les cachets d'arrivée. Le soin apporté à l'écriture des adresse fait penser à la volonté de constituer des documents à conserver.

Enveloppe 1:

Recto Verso

Il s'agit d'une lettre de la poste locale de
Chefoo postée le 24 juillet 1894 et adressée à Shang Haï. Au verso cachet
d'arrivée de la poste locale de Shang Haï
en date du 27 juillet 1894 ainsi que cachet de Chefoo à la date de départ.
Cette enveloppe à bande rouge est typique des enveloppes utilisées en Chine à cette époque.
Sur la bande rouge se trouve le nom du destinataire.
Sur la bande blanche de gauche a été inscrite l'origine de la lettre.
Sur la bande blanche de droite se trouve l'adresse du destinataire.
La traduction littérale peut se transcrire comme suit:
Bande rouge: Monsieur Xu jeune homme noble à ouvrir par lui même (autrement dit: personnel).
Bande blanche de gauche: De Yan Taï (Chefoo en chinois) de Shongtong (il s'agit de la province) prière de délivrer ce plis.
Sur la bande blanche de droite: Lettre importante prière de délivrer à Shang Haï Ni Cheng Nouveau Cercle Extérieur Chason (rue ??) Résidence N° 14 .
Le timbre à 5 centimes est issu du deuxième tirage de janvier 1894 effectué en Allemagne.

Enveloppe 2

Recto Verso

Il s'agit ici d'une lettre de la poste locale de Hankow (Hankeou) postée le 29 juillet 1893 pour Shang Haï (Hankeou est un port sur le Yang Tse Kiang).
Au verso cachet d'arrivée à Shang Haï du 2 août 1893.
Sur cette lettre, au contraire de celle de Chefoo, ne figure pas d'inscription dans le bande blanche de gauche (origine de la lettre).
Le destinataire est de même type que le précédent (bande rouge).
L'adresse à Shang Haï est la même mais la lettre n'est pas désignée comme lettre importante.
Le timbre est un trente centimes de la première émission locale de mai 1893.
Le timbre est non dentelé sur les côtés et percé en ligne en haut et en bas. Le perçage est matérialisé par une ligne pointillée (bien visible) de la même couleur que le timbre.

Ces deux lettres, visuellement trés esthétiques, sont donc des témoins de cette courte période de fonctionnement des postes locales en Chine à la fin du XIXème siècle et traduisent la présence, l'énorme poids et l'intence activité des puissances étrangères en Chine à cette époque là.

jeudi 11 décembre 2008

ACHEMINEMENT DES COURRIERS DE MACAO (MACAU) POUR LA FRANCE EN 1903

Macau fut donné au Portugal par la Chine en 1557 en remerciement de l'aide apportée par les portugais à la lutte contre la piraterie. Macau restera portugais, sous différentes formes administratives, jusqu'au 20 décembre 1999, date de sa restitution à la Chine. Seule possession portugaise en Chine, et longtemps seul port d'échanges entre l'Empire et les pays d'Occident, ce port a toujours eu une activité commerciale importante. Le Portugal ne figure pas parmi les Etats ayant participé aux différents évènements du XIXème et début du XXème siècles qui ont été à l'origine de la présence des pays européens et des Etats Unis dans les ports "ouverts" des côtes chinoises et le long du Yang Tse Kiang.

Macau est très proche de Hong Kong (40 km) où les britanniques s'installent dés 1842 (territoire cédé par la Chine en 1842 et restitué le 1er juillet 1997) et développent une activité commerciale intense faisant de Hong Kong la plaque tournante entre l'Occident et l'Empire du Milieu.


La proximité des deux ports a entraîné un important trafic maritime entre eux et permettra de voir se développer à Macau une activité économique autour des jeux (casinos) où viendront jouer les résidents du port britannique.

Ceci se manifeste au travers du courrier expédié de Macau vers l'Europe. En effet Hong Kong est une escale obligatoire pour toutes les grandes lignes maritimes d'extrême Orient (Britanniques, Allemandes et Françaises) et notamment pour les malles postes.


Nous avons trouvé trois courriers (cartes postales) de 1903 expédiés de Macau par des voyageurs français vers la France.


Courrier 1:


La première carte postale a été postée à Macau le 20 février 1903 à destination de Limay (Yvelines actuelles). Il s'agit d'un entier postal de Macau à 20 Reis (monnaie portugaise utilisée à Macau avant l'introduction du Avo, monnaie locale de Macau) dont l'affranchissement a été complété par un timbre à 1 Avo (l'ensemble représentant un affranchissement à 4 avos).




La carte postale comporte le cachet de transit de Victoria Hong Kong (Victoria est la capitale et le port du territoire de Hong Kong) du 20 février 1903 (date également du départ de Macau) ainsi que le cachet d'arrivée à Limay malheureusement sans date lisible.


Mais surtout cette carte porte de la mention manuscrite en haut à gauche "Per S.S."Océanien" qui est le nom du bateau ayant acheminé le courrier. Le S. S. "Océanien" appartient à la Compagnie des Messageries Maritimes qui assure le transport des passagers et du courrier entre l'extrême Orient et Marseille (ligne Marseille - Yokohama) et qui fait escale à Hong Kong à l'aller comme au retour.


Le S.S. "Océanien" a été construit en 1885 pour la ligne d'Australie et a été affecté en 1892 à la ligne d'extrême Orient. Il sera réquisitionné en 1914 comme transport de troupe et démantelé en 1922. Le paquebot a quitté Yokohama le 12 février 1903 et a fait escale à Kobé et Shanghaï pour arriver à Hong kong où il se trouve le 20 février 1903. Le courrier pour la France est donc pris en charge, y compris celui arrivé le jour même de Macau. Le S.S. "Océnien" sera le 27 février à Saïgon et arrivera le 27 mars 1903 à Marseille.


Cette carte postale envoyée de Macau a donc utilisé la voie française au travers de son escale à Hong Kong pour rejoindre la France.


Nous allons voir que cette solution n'est pas unique et que d'autres acheminements peuvent être envisagés.


Courrier 2:


Il s'agit de nouveau d'un entier postal de Macau (mais celui ci est illustré au resto) surchargé à 1 Avo et complété par un timbre à 3 Avos (total de l'affranchissement: 4 Avos). La carte est adressée de nouveau à Limay (il s'agit du même expéditeur et du même destinataire) et comporte le cachet de départ de Macau du 28 mars 1903 ainsi que le cachet de transit de Victoria - Hong kong du 28 mars 1903. Le cachet d'arrivée à Limay ne permet pas d'avoir une date précise car seul le mois d'avril est lisible.





La carte ne présente pas comme la précédente de mention au recto du bâtiment devant la transporter. Par contre dans le texte (daté du 27 mars) au verso on peut lire "la malle anglaise "Malta" part demain".


Le R.M.S. "Malta" est un bateau de la P&O britannique de la ligne d'extrême Orient assurant le transport des passagers et du courrier entre la Grande Bretagne et Hong Kong où il fait escale.


Dans ce cas, le courrier entre Macau et la France a utilisé la voie britannique pour gagner l'Europe. La correspondance de ces cartes montre que l'expéditeur écrit souvent à ce destinataire et connaissant parfaitement les rotations des différentes lignes utilise la voie britannique entre deux escales de la voie française.


Ces courriers montrent qu'à cette époque (1903) les courriers du territoire portugais de Macau pour la France passent par l'escale de Hong Kong en territoire britannique pour être acheminés vers l'Europe et sont acheminés en fonction des passages des bateaux par les voies britanniques ou françaises.


Courrier 3:


Le troisième courrier est un peu particulier. Il s'agit en fait d'un fragment de carte postale. Celui ci porte suffisamment d'indication pour qu'on puisse déterminer son acheminement.









Il s'agit ici d'une carte postale recommandée expédiée de Macau le 9 mars 1903 pour la France (probablement Paris d'après le texte au verso). La carte porte plusieurs cachets: celui de Macau du 9 mars 1903, celui de l'escale de Hong kong du service des recommandés également du 9 mars 1903, un cachet de recommandation de Macau - China avec le numéro 1012 en bleu, deux griffes linéaires à gauche et à droite "registred" (recommandé) en anglais apposées par l'expéditeur (en violet) et enfin un cachet de l'expéditeur qui n'est autre que le service impérial des douanes maritimes (service confié par l'empereur aux occidentaux).


L'affranchissement comporte une paire de 2 Avos (surchargés "provisorio") représentant le port et un timbre à 8 Avos (lui aussi surchargé) pour la recommandation.


De plus, à côté du timbre, à gauche figure la mention "Per S.S." , mais le nom du bateau est masqué par le timbre. Par transparence on arrive à déchiffrer le nom: il s'agit du "Amman". Le S.S. "Amman" est lui aussi un des paquebot de la Compagnie des Messageries Maritimes de la ligne d'Extrème Orient Marseille - Yokohama. Il a été construit à La Ciotat en 1898. Il changera de nom l'année suivante en 1904 et sera rebaptisé "Tourane" puis modernisé en 1912 il sera denouveau rebaptisé "Karnak" et affecté aux lignes de Méditerranée avant d'être réquisitionné en 1914 comme transport de troupes. Il sera coulé le 27 novembre 1916 par U32 allemand au large de La valette (Malte) faisant 17 disparus. Parti de Yokohama le 27 février 1903, il est en escale le 9 mars à Hong Kong, puis le 14 mars à Saïgon et arrivera à Marseille le 6 avril 1903.


Il est interressant de voir que même un fragment de carte postale peut apporter des informations précises sur ces courriers expédiés de Macau pour la France.